Au fil de mes rencontres (réelles et virtuelles), je me rends compte que la mesure d’exposition est incomprise par bon nombre de photographes amateur voir expert. Il suffit de lire (ou entendre) ce genre de phrase pour s’en rendre compte : « Il ne s’agit pas exactement de faire des mesures, c’est l’APN qui les fait. », ou « La cellule de mon Canikon est super précise », à noter que cette dernière revient assez souvent.
Si l’on se contente de fichiers JPEG (en mode auto), on pourra très bien se satisfaire de la « mesure » faite par l’appareil (souvent matricielle ou évaluative) et elle sera surement « juste » pour ces utilisateurs, même si dans plus de 90% des cas on obtient des photos sous exposées, ou des photos avec un sujet principal très mal exposé. Si l’on souhaite faire un travail photographique correct, on se rend compte que la mesure est rarement « précise ». Je vais essayer dans cet article de vous amener à méditer sur l’usage du posemètre intégré de votre boîtier photographique et donc par ce biais parler de la mesure en lumière réfléchie. Commençons par deux définitions …
Définitions
Mesure en lumière réfléchie : (utilisée avec un appareil photo ou un spotmètre)
- C’est la mesure de la luminance d’un sujet (quantité de lumière renvoyée par celui-ci). Elle est fonction de sa réflectivité et de l’éclairement qu’il reçoit.
Mesure en lumière incidente : (utilisée avec un flashmètre/posemètre ou une cellule à main)
- C’est la mesure de l’éclairement (quantité de lumière reçue) à un endroit défini (généralement où se trouve le sujet) indépendamment de la réflectivité du sujet lui-même.
La cellule intégrée
Cellule interne au boitier
Aussi loin que je puisse remonter dans ma pratique photographique, le posemètre intégré de mes appareils photographiques me propose toujours le même couplage vitesse/ouverture pour une même scène mesurée. En effet, la cellule de notre appareil photo est calée pour donner un gris moyen lorsque cette dernière mesure une scène renvoyant 18% de la lumière reçue. Il est alors très simple d’utiliser une charte d’exposition pour faire une mesure précise. Pour rappel, une charte d’exposition est une charte de gris renvoyant 18% de la lumière reçue. Ne pas confondre avec une charte gris neutre dédiée à caler la balance des blancs, cette dernière est plutôt d’un gris très clair.
Mesure comparative
Concernant les tests, je vais utiliser mon appareil photo en mode manuel (M), je choisis une ouverture de f/2.8 et je règle la vitesse en fonction de la mesure (avec ou sans compensation). La sensibilité sera réglée à 400 ISO. L’éclairage est strictement le même pour tous les tests. Les photos proposées sont des fichiers RAW ouverts dans LR avec les réglages à zéro (par défaut).
J’utilise le terme de « fichier » pour parler de « fichier brut » qu’on peut comparer à un négatif, et le terme « photo » pour un fichier JPEG développé (image finale comparable à un tirage).
Comparons les mesures faites avec la cellule de notre appareil photo et charte de d’exposition (mesure en lumière réfléchie), par rapport à une cellule à main type flashmètre (mesure en lumière incidente). Pour ce faire, je vais utiliser le spotmètre de mon boîtier (mode spotmètre) pour mesurer la charte d’exposition placée au même endroit que le flashmètre/posemètre.
Le premier constat qu’on peut faire, la mesure est identique. Le flashmètre/posemètre et le posemètre intégré (en mode spot sur la charte) propose le même couplage vitesse/ouverture. Voir la photo ci-dessous faite avec ce couplage : f/2.8 – 1/100s.
Photo mesure flashmètre/posemètre / spot
Le deuxième constat, le fichier est sous exposé ! Il faut compenser la mesure faite de 1EV 1/3 en plus pour avoir une exposition juste pour le numérique (histogramme calé à droite). La photo suivante est faite avec le couplage compensé, c’est-à-dire : f/2.8 – 1/40s. Le fichier est correctement exposé.
Photo mesure flashmètre/posemètre / spot avec +1.33 EV
Mesure évaluative ou matricielle
Je vais utiliser le mode de mesure par défaut de mon appareil photo (évaluative ou matricielle selon la marque) pour mesurer l’intégralité de la scène sur un fond sombre et sur un fond clair ensuite. Dans les deux cas, le couplage proposé par la mesure est très différent de celle du flashmètre/posemètre laissé dans la scène photographiée comme « référence ».
Lors de la mesure d’une scène (très) claire, le posemètre intégré proposera un couplage ouverture/vitesse qui tend à sous exposer (fortement) le fichier et lors d’une mesure d’une scène (très) sombre, le posemètre intégré proposera un couplage ouverture/vitesse qui tend à sur exposer le fichier. Comme le montrent les photos suivantes, on est loin de la première photo faite avec la mesure flashmètre/posemètre ou spotmètre sur charte d’exposition (sans compensation).
On constate qu’avec le fond sombre on se rapproche d’une exposition avec compensation (+1,33 EV) dans cet exemple (ce ne sera pas toujours le cas).
Photo fond sombre avec une mesure évaluative (f/2.8 – 1/50s)
Photo fond clair avec une mesure évaluative (f/2.8 – 1/400s)
Une compensation systématique en mode de mesure évalutative n’apportera pas de solution. Sur fond clair, le fichier sera toujours sous exposé (1/160s au lieu de 1/40s) et sur fond sombre le fichier sera sur exposé avec perte dans les HL (1/20s au lieu de 1/40s).
Ci-dessous le fichier sur fond clair avec une mesure spotmètre sur charte vs flashmètre/posemètre compensée (+1,33 EV).
Pour info, l’indicateur d’écrêtage était activé dans LR, comme on peut le constater sur les photos avec compensation, les HL (hautes lumières) sont préservées avec un histogramme calé à droite.
Photo mesure flashmètre/posemètre / spot avec +1.33 EV sur fond clair
Conclusion
Pour conclure cette petite série de tests, j’utiliserais comme en introduction de cet article un commentaire laissé par un membre d’un forum voulant savoir si le dernier boîtier allait enfin exposer « juste » et en précisant : « Ce qui m’emmerde sur le 5D Mk III, c’est le fait de devoir souvent corriger l’exposition même en mesure évaluative. Ça me saoule. » J’avais envie de lui répondre que ça allait sûrement le saouler très longtemps encore.
Le posemètre intégré (quel que soit le mode de mesure sélectionné) est « juste » si on mesure une scène renvoyant 18% de la lumière reçue et si on compense cette mesure positivement de 1 EV 1/3 pour le numérique.
La mesure en lumière réfléchie demande à être interprétée par le photographe contrairement à la mesure en lumière incidente. Préférez le mode de mesure à prépondérance centrale (voir spot) qui sera bien plus prévisible et surtout interprétez la mesure en fonction du sujet mesuré.
En résumé, la mesure de lumière réfléchie utilisée correctement nécessite des corrections permanentes (interprétations) car dès que le cadrage ou la scène change, la mesure va varier également, même si la lumière n’a pas changé.
Je recommande d’optimiser l’exposition lorsque vous photographiez en RAW, c’est à dire compenser à +1,33EV la mesure sur charte ou prise au posemètre (flashmètre).
Les deux photos (fond sombre et clair) correctement exposées (f/2.8 – 1/40s) et développées dans LR.
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Merci pour toutes ces démonstrations. Avec Olivier Chauvignat vous avez tous deux des tutos très intéressants.
Merci pour le retour.